![Ste Anne [One-Shot Army]](https://i.skyrock.net/1311/62201311/pics/3211425325_1_6_wbSyvAmf.jpg)
L'inspiration n'est vraiment pas quelque chose de régulier, elle est toutefois venue me faire un petit bonjour aujourd'hui et j'ai donc pu rédiger un texte dont j'avais l'idée depuis plusieurs semaines. Les phrases colorées sont des passages du texte Ste Anne du collectif Fauve.
Ce texte se place du point de vue d'Arnaud.
« Je ne sais même pas par où commencer en fait. On m'a conseillé de venir vous voir. Pour mon bien paraît-il. D'ailleurs certaines personnes m'ont tellement rabâché que ça pourrait m'aider que cela ne relevait plus du conseil mais plutôt du harcèlement moral. Enfin je ne m'en plains pas, hein, soyons d'accord. Je sais très bien que tous ceux qui l'ont fait sont des personnes qui tiennent à moi. Seulement je ne sais même pas ce que je suis censé faire ou dire, docteur. C'est la première fois que je fais ça donc vous m'excuserez si ça part un peu dans tous les sens ou si je suis trop confus. J'ai simplement toutes ces choses qui tournoient dans ma tête et je ne crois pas être capable de les garder pour moi encore longtemps. Ça va péter un jour, je le sens et je crois que tout déballer à quelqu'un de neutre comme vous pourrait m'aider. Je ne dis pas que vous n'avez pas d'opinion, je suis certain que vous en avez une, mais il me semble juste que vous avez la mission de la garder pour vous si elle ne vous permet pas de m'aider. Enfin voilà, je vous dresse le tableau vite fait : vous avez sûrement entendu parler de la « polémique Dieudonné » comme l'on nommée les journaux, tout ce bordel autour de ses spectacles que certains jugeaient trop provocants et racistes. Tout le monde sait maintenant qu'ils ont été interdits mais peu de personnes savent que d'autres artistes ont subis des dommages des suites de cette interdiction. Je ne sais pas si vous connaissez le nom de Jérémy Ferrari, ce jeune humoriste qui trempait en plein dans l'humour noir et que beaucoup ont affilié à Dieudonné. Si vous ne le connaissiez pas de son vivant, vous avez au moins du entendre parler de son décès. C'est triste à dire mais il n'a jamais autant fait parler de lui qu'en mourant. Je sais que ma voix commence à dérailler et que mes yeux s'embrument mais ne prenez pas cet air surpris, s'il vous plaît. Laissez-moi vous expliquer et ensuite vous pourrez tenter de faire ou dire quelque chose. Peu de gens le savent mais Jérémy n'est pas mort dans un accident de la circulation, comme l'on dit les journaux. Enfin si, c'est ce qui s'est passé : c'est bien en percutant de plein fouet une rambarde de sécurité alors qu'il était en moto qu'il est mort. Simplement ... Docteur, rassurez-moi, vous respectez bien le secret médical ? Je sais que « ça tombe sous le sens » comme vous dites, mais nombre de professionnels de santé n'hésiteraient pas à parler à la presse de ce que je vais vous dire. J'ai votre parole, hein ? On est d'accord. Si la mort de Jérémy avait vraiment été un accident, on n'aurait pas retrouvé chez lui un mot. Oui, une lettre d'adieux, mais je déteste ce terme, surtout que Jérémy ne nous a pas fait ses adieux, et ce n'est certainement pas un reproche que je lui fais, il nous demandait simplement de lui pardonner. Il savait que personne ne comprendrait son geste et qu'une partie de nous lui en voudrait d'avoir choisi de fuir sans nous avoir parlé de ses problèmes. Mais Jérémy était comme ça : si vous aviez un problème, il mettait tout en œuvre pour vous aider mais il n'était vraiment pas du genre à se confier et à parler de ses propres ennuis. Je lui ai toujours dis qu'il fallait qu'il se confie et maintenant, je regrette de ne pas avoir plus insisté. Je sais qu'on aurait pu l'aider, que j'aurai pu l'aider. Cette lettre ? Ah oui. Et bien, en plus des excuses, il a expliqué que sans qu'il ne le veuille, tout s'était arrêté. Nous avons trouvé dans son salon plusieurs lettres de refus ou d'annulation de la part de salles de spectacle. Manifestement, ces idiots ont eu peur de tout ce que l'affaire avec Dieudonné provoquait et ont préféré ne pas accueillir quelqu'un dont l'humour ressemblait à celui de l'Ennemi public numéro 1. Seulement, ce qu'ils n'ont pas compris, c'est que Jérémy était différent de Dieudonné. Oui, ils faisaient tous les deux de l'humour noir mais demandez à deux personnes de faire chacune un gâteau au chocolat et vous aurez beau avoir à l'arrivée deux préparations portant le même nom, elles pourront être très différentes, que ce soit par leur goût, leur apparence, ou quoi que ce soit d'autre. Mais ils n'ont pas réfléchi et l'ont simplement refusé. Je n'ose pas imaginer ce que Jérémy a pu ressentir : après des années à se battre pour faire entendre sa voix au milieu de toutes ces personnes qui lui répétaient que son humour n'était pas ce que le public attendait, il avait finalement réussi à se faire une place et au bout de trois ans, tout s'est arrêté sans que ce ne soit vraiment de sa faute. Non, ce n'était pas de sa faute. Je le pensais au moment de ces évènements et je le pense toujours. Les salles ne se sont pas vidées à la suite d'une erreur de sa part mais de celle de quelqu'un d'autre. Jérémy n'a rien changé à son spectacle ou à sa personnalité mais tous ces abrutis ont cru que parce qu'il faisait de l'humour noir, alors il n'était qu'une copie de Dieudonné et que son spectacle serait une horreur. Pourtant, ce n'est pas le cas, ils avaient chacun leur univers. Mais les gens sont trop cons. Et moi ? Comment ça moi ? Oui, je sais, je n'ai parlé que de Jérémy depuis le début de cette séance mais c'est simplement parce qu'il a toujours tenu une place importante dans ma vie et son absence est de plus en plus dure à supporter. Je n'arrive pas à me dire qu'il y a trois ans, je ne le connaissais pas et vivait donc très bien sans lui alors que maintenant, je ressens tous les jours ce vide dans mon esprit. Vous vous rendez compte ? Trois ans. C'est rien sur les vingtaines d'années que dure une vie. Et pourtant, je pense tous les jours à lui. Il m'arrive encore d'avoir envie de prendre mon téléphone et lui parler de choses amusantes que j'ai pu faire ou croiser. J'ai du mal à me dire que plus jamais je n'entendrais le son de sa voix, plus jamais je ne pourrais être sur scène avec lui ou simplement assis dans un café. Il est comme une partie de moi ... Oui, je sais « était ». Ça me paraît tellement irréaliste de devoir employer le passé pour parler de lui. Il était mon ami, un de mes meilleurs mais une partie de moi le considérait aussi comme une sorte de petit frère que je devais protéger. Je sais que c'est idiot : Jérémy savait se défendre seul, même mieux que ce que j'aurai pu faire mais il était si jeune. Il n'aurait pas dû pouvoir mourir. Je ne sais pas, il devrait y avoir des lois au Paradis stipulant que, même si elle le désire, une personne ne peut pas s'en aller avant au moins trente-cinq ans. Je sais que c'est ce qu'il a voulu mais ça me paraît tellement injuste. Tout son univers s'est effondré simplement à cause des craintes de certaines personnes. Je ... Je ne sais pas ... Ça ne devrait pas pouvoir arriver. Vous n'êtes pas d'accord ? « Tout arrive certainement pour une bonne raison » ? Sérieusement ? C'est ce que vous pensez ? Que Jérémy méritait ce qui lui est arrivé ? Oui, je m'énerve ! Si je veux j'élève la voix ! Vous ne pouvez pas sérieusement penser ce que vous dites. Je ne vois pas en quoi la destruction de la vie d'un jeune homme de 28 ans simplement par la bêtise d'autres personnes peut avoir une justification plausible ! Il n'y a aucune raison pour que tout ça soit arrivé. Ce monde ne tourne pas rond, c'est tout. Non, je n'ai pas toujours été comme ça. Je n'ai jamais vraiment été du genre pessimiste. Je croyais en ce monde et en sa beauté il y a encore quatre mois mais maintenant, je ne sais plus vraiment en qui croire. J'ai l'impression que tout part de travers. Oui, principalement depuis cet évènement. Il me manque tellement que j'en perds le sommeil et même certains jours l'appétit. Je suis dégoûté de ce que devient ce monde. Bien sûr que je me sentais proche de Jérémy. Lui et moi, on a connu le succès au même moment, c'est grâce à la même émission qu'on a commencé à être reconnus du public alors maintenant, je me sens seul. Non, pas vraiment comme si je lui devais quelque chose, plutôt comme si je n'avais pas le droit de continuer sans lui. Je sais, on n'était pas un duo mais on s'est à plusieurs reprises retrouvés sur scène. Nos carrières étaient plus ou moins liées et je me sens coupable d'avancer sans lui. Je sais bien qu'il faut pourtant que je continue sans lui, mais c'est dur. J'ai de plus en plus de mal à monter sur scène chaque soir. Je n'arrive pas à arrêter de penser que lui ne le fera plus jamais. Oui, c'est probablement pour ça que je lui dédie chaque soir ma représentation. Pour qu'il continue à être sur scène, même si ce n'est que par la pensée. »
Sortant du grand bâtiment blanc, je m'arrête quelques instants sur un banc. J'hésite quelques minutes à allumer le poison en barre que je tiens dans mes mains mais me ravise en me rappelant les nombreuses cigarettes que Jérémy m'a prises des mains avant de les écraser au sol. Je l'entends encore cacher son réel souci pour ma santé derrière ses sarcasmes habituels. Et je pense aussitôt que cette habitude ne l'est déjà plus. Il n'est plus là pour prendre soin de moi. J'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles et essaie de ne pas penser au fait qu'il ne le sera plus jamais. Ils me l'ont enlevé.
J'avais une certaine idée de ce que je voulais faire de ce texte et je n'ai pas réussi. J'espère que vous l'appréciez quand même. Enfin bref, voilà un petit texte comme un autre. J'aimerai beaucoup avoir vos avis dessus, merci !
fan-ondar, Posté le dimanche 16 mars 2014 07:29
Texte magnifique, sujet magnifique ( bon un peu triste aussi ^^) et ressenti magnifique. Bref, c'est magnifique ;-)